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Quel périmètre du crédit à la consommation avec la nouvelle directive DCC2?

Cet article est un extrait de l’ouvrage « Le crédit à la consommation – édition 2024 » de Rémi Legrand, à paraître en mai chez Arnaud Franel Editions.


Quelles sont les principales évolutions dans le champ du crédit à la consommation introduites par la directive européenne DCC2 ?

Nouvelles inclusions dans le champ du crédit à la consommation (art.2)
Le premier changement tient à la définition du crédit à la consommation qui comprend désormais tous les crédits non hypothécaires dont le montant est compris entre 200 et 100 000€. Sont nouvellement intégrés dans ce champ :

  • Les facilités de caisse et découverts
  • Les opérations de crédit-bail avec obligation ou option de rachat
  • Les crédits sans intérêts et sans autres frais ainsi que les crédits remboursables dans un délai de moins de trois mois et assortis de frais négligeables.




Comment la directive européenne DCC2 affecte-t-elle les produits tels que le découvert, la LOA et le BNPL en France ?

Le régime allégé appliqué en France sur le découvert repose sur une possibilité de dérogation ouverte par la DCC1 d’appliquer un régime dérogatoire aux crédits remboursables dans un délai de 1 à 3 mois et d’exclure les facilités de caisse (remboursables en moins d’un mois) du champ du crédit à la consommation. La DCC2 supprime ces exceptions et considère tous les découverts comme des crédits à la consommation au sens stricte. Cette mesure peut surprendre dans le cadre français où la pratique du découvert est disciplinée, mais de nombreux abus survenus dans d’autres pays (taux d’intérêt abusifs appliqués aux découverts) justifient cette nouvelle définition. Il en résulte pour les établissements de crédit une obligation de revoir leurs procédures d’entrée en relation et d’intégrer un processus complet d’octroi de crédit, incluant les étapes d’étude de solvabilité, d’émission d’une offre de crédit, d’information du client et de suivi des acceptations en tenant compte du délai de rétractation.

La LOA bénéficie en France d’un régime de protection du consommateur plus exigeant que ce que dicte la DCC1 de 2008. L’intégration de ce produit dans le champ du crédit à la consommation entraîne cependant une modification substantielle : l’obligation d’afficher un TAEG (Taux Annuel Effectif Global du crédit) dans les publicités, les informations précontractuelles et contractuelles, ainsi qu’un TAEA (Taux Annuel Effectif de l’Assurance) et un taux débiteur. Il en découle mécaniquement l’application d’un taux d’usure à ces contrats. Les professionnels contestent cette mesure en mettant en avant la spécificité du contrat de location qui demande un mode de calcul spécifique du taux d’usure. Cette nouvelle règle entrainerait l’exclusion d’une partie de la population de l’accès à la LOA, du fait du plafonnement légal du taux. Des discussions sont en cours sur la transposition de la DCC2. Il est cependant à prévoir que l’offre de financement devienne plus sélective et s’appauvrisse sur les produits de « leasing auto » – Le financement automobile représente plus des trois quarts des financements en LOA pour les particuliers – pourtant mis en avant par le gouvernement dans le cadre du « leasing social », au profit des offres de location sans option d’achat (ou location simple) qui n’entrent pas dans le champ du crédit à la consommation.

Le Buy now pay later (BNPL) assimilé en France au paiement différé et au paiement fractionné, se trouve profondément modifié du fait de son intégration dans le champ du crédit à la consommation.

Ce nouveau statut implique notamment de procéder à une étude de solvabilité de l’emprunteur au moment de l’octroi du crédit, à l’émission d’une offre préalable, à la remise d’une documentation complète à l’emprunteur. Le parcours du client se trouve donc très alourdi par rapport à la pratique actuelle qui se limite à la vérification de l’identité du client, éventuellement à une interrogation du fichier FICP et d’une démarche d’autorisation sur la carte bancaire du client. Le défi consiste donc, pour les opérateurs de paiement différé ou fractionné, à fluidifier le plus possible ce nouveau parcours, le consommateur étant particulièrement sensible à la réactivité du paiement, surtout lorsqu’il achète en ligne. L’application du nouveau régime dicté par la DCC2 va donc faire évoluer les offres, leur tarification, et peut-être entraîner des rapprochements au sein du secteur.

Une singularité s’ajoute à cette réforme du paiement différé : la DCC2 ouvre la possibilité aux TPE et PME qui vendent des produits ou services en ligne ou en magasin, de proposer à leur client un différé de paiement jusqu’à 50 jours, sans passer par l’intermédiaire d’un établissement financier. C’est bien le vendeur lui-même qui accorde cette facilité de paiement à un particulier, san savoir cependant la possibilité de percevoir ni frais, ni intérêts (A l’exception des frais de retard de paiement éventuels). Ce cas de figure étant exclu du champ de la DCC2, les États membres ont la possibilité de légiférer comme ils l’entendent et d’ajouter d’autres conditions à ce procédé. Dans le cas français, cela revient à étendre aux particuliers un principe de différé de paiement qui existe déjà entre les entreprises. Soulignons que ce type d’opération fait prendre un risque au vendeur (défaut de paiement), et mobilise sa trésorerie pour financer l’encours client.

L’inclusion des cartes à débit différé dans le champ du crédit à la consommation n’est que la traduction du fonctionnement de ces cartes qui accordent, de fait, un crédit de 40 jours maximum à leurs détenteurs. Ce nouveau statut de la carte permet de protéger le consommateur des abus qui peuvent exister dans certains pays sur les frais liés à leur usage. La DCC2 laisse la liberté à chaque État membre d’exclure les cartes à débit différé du champ du crédit à la consommation, à partir du moment où le différé accordé est exempt d’intérêts et que les frais sont limités en montant et cantonnés à la prestation de service. Le législateur français aura donc à opter pour l’une ou l’autre des options proposées par le texte européen.




Le texte de la directive est disponible en langue française sur le site eur-lex.europa.eu avec le lien suivant : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202302225

Cette analyse sera reprise dans l’ouvrage « Le crédit à la consommation – édition 2024 » de Rémi Legrand, à paraître en mai chez Arnaud Franel Editions

Les autres questions soulevées par la DCC2 et traitées dans l’ouvrage « Le crédit à la consommation – édition 2024 » de Rémi Legrand, à paraître en mai chez Arnaud Franel Editions

  • Quelles obligations de communication et d’information sont imposées aux prêteurs par la DCC2 envers les consommateurs ?
  • Quelles sont les nouvelles règles concernant l’évaluation de la solvabilité des emprunteurs selon la directive européenne DCC2 ?
  • Quelles obligations la DCC2 instaure-t-elle en matière de conseil aux emprunteurs ?
  • Comment la DCC2 régule-t-elle le droit de rétractation des emprunteurs ?
  • Quelles sont les nouvelles règles sur le remboursement anticipé des crédit selon la DCC2 ?
  • Quelles mesures la DCC2 prévoit-elle en cas d’arriérés de paiement et de renégociation du contrat de crédit ?